Géré par la Fondation Roi Baudouin

La littératie en santé, ça s’apprend !

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L’intérêt du Fonds Daniël De Coninck pour la littératie en santé ne date pas d’hier. Mais il leur est vite apparu que renforcer les compétences en santé des individus ne suffit pas : les organisations de première ligne doivent se rendre plus accessibles. Et aujourd’hui, grâce à Cultures&Santé et Gezond Leven vzw, elles disposent des outils nécessaires pour faire ce travail sur elles-mêmes.

« Avant de lancer un appel à projets sur la littératie en santé organisationnelle, le Fonds Dr. Daniël De Coninck a voulu savoir ce qui se faisait déjà sur le terrain, explique Alexia Brumagne, de l’asbl Cultures&Santé. Le Fond nous a mandatés pour faire un état des pratiques avec des focus groups et analyser les résultats. Ensuite, sur la base de notre  rapport, elle a financé 18 projets : huit francophones, que Cultures&Santé a été chargée d’accompagner, et dix néerlandophones, confiés à shiftN. Dans ce cadre, l’asbl Gezond Leven, homologue flamand de Cultures&Santé, s’est investie aux côtés de shiftN pour accompagner les services de première ligne et penser la suite du projet. »

Motivation
Cultures&Santé et Gezond Leven sont sensibilisées à la littératie en santé depuis une bonne dizaine d’années, même si Cultures&Santé trouve le mot « littératie » peu approprié – « Nous nous sommes beaucoup interrogés sur son utilisation, admet Alexia Brumagne. Il a été emprunté aux pays anglo-saxons et francisé : pour un concept qui est censé attirer l’attention sur l’accessibilité des informations, ça nous paraissait paradoxal. Mais ce terme a fini par s’imposer… » – Gezond Leven préférant, pour sa part, l’expression « gezondheidsvaardigheid », pour « compétence en santé ». Mais ces deux associations ont le même objectif : motiver toutes les organisations à se sensibiliser à la littératie en santé.

Les personnes qui présentent un faible niveau de littératie en santé ont plus de difficultés que les autres à mener une vie saine. Elles se retrouvent plus souvent et plus longtemps à l’hôpital et elles souffrent plus souvent de maladies chroniques.

— Sien De Coninck - asbl Gezond Leven

Toujours plus loin
« Une organisation sensibilisée à la littératie en santé, explique Sien De Coninck, de Gezond Leven, c’est une organisation qui rend ses informations et ses services de santé aussi accessibles que possible à ses groupes-cibles. Concrètement, cela peut se traduire par des brochures vraiment lisibles et pratiques, une signalisation claire dans le bâtiment, une communication limpide entre les employés… Nous avons pu constater que de nombreuses organisations de première ligne déployaient déjà des efforts importants, mais nous avons la conviction que, dans ce domaine, une organisation peut et doit toujours aller plus loin ! »

33%
Pourquoi ? « Avant tout, parce que 33% des 15 ans et plus – et les femmes (35%) plus que les hommes (32%) – ne disposent pas de compétences suffisantes pour prendre des décisions éclairées concernant leur santé, insiste Sien De Coninck. Bruxelles est particulièrement touchée : 38%, contre 36% en Wallonie et 29% en Flandre. Or, les personnes qui présentent un faible niveau de littératie en santé ont plus de difficultés que les autres à mener une vie saine, elles se retrouvent plus souvent et plus longtemps à l’hôpital et elles souffrent plus souvent de maladies chroniques. Les organisations de première ligne doivent donc veiller à ce que leurs soins soient adaptés à tous les niveaux de compétences en matière de santé ! »

 Organisations pionnières
Alexia Brumagne va plus loin. Pour elle, la littératie en santé marque le pas dans l’ensemble de la population, en raison de l’évolution accélérée du système de soins, du vieillissement de la population et de la fracture numérique. « Pour compenser, les organisations de première ligne doivent prendre leurs responsabilités, en portant une attention systématique à la littératie en santé. Pendant un an et demi, Cultures & Santé, shiftN et Gezond Leven ont donc accompagné les 18 organisations pionnières subventionnées par le Fonds Daniël De Coninck, en organisant régulièrement des intervisions, pour tenter de comprendre les difficultés qu’elles rencontraient et leur suggérer des solutions. Nous avons ensuite rédigé un rapport sur ces échanges avec et entre les organisations, en soulignant combien elles ont besoin d’être soutenues. Et, sur cette base, la Fondation Roi Baudouin nous a donné le feu vert pour développer une offre de formation en littératie en santé organisationnelle (LSO)  à destination des acteurs de terrain. »

L’important, c’est de réunir tout le monde autour de la table, de recueillir tous les avis, de concilier les visions différentes, s’il y en a, et ensuite d’avancer ensemble

— Alexia Brumagne - Cultures&Santé

Contexte
Chacun de ces deux services-supports, Cultures & Santé et Gezond Leven, a alors mis au point, à partir des expériences des organisations pionnières, un programme gratuit, accessible tant aux organismes de santé qu’aux organismes sociaux. « Nous avions trouvé des outils au niveau international, constate Alexia Brumagne, mais ils s’adressaient surtout à de grosses structures, par exemple des réseaux d’hôpitaux, alors que le contexte belge, ce sont plutôt de petites organisations moyennes, avec des maisons médicales, des CPAS, des associations de quartier, et nous tenions à nous y adapter. En leur permettant de s’auto-évaluer et d’identifier les actions à renforcer ou à développer pour devenir « pro-littératie en santé », mais aussi et surtout de se mettre en mouvement. »

Tous pour la LSO
Ce processus, il n’est évidemment pas question de l’imposer « d’en haut » à l’équipe de l’organisation de première ligne. « Si, en devenant plus sensible à la santé, une organisation peut améliorer son efficacité, c’est aussi parce que, grâce à cette évolution, son personnel trouve davantage de satisfaction dans son travail, souligne Sien De Coninck. Il est donc essentiel d’obtenir l’adhésion de tous les membres de l’équipe, de la réceptionniste au personnel d’entretien, en passant par le médecin généraliste, les infirmiers, les kinés, la travailleuse sociale, les psychologues… Pour que l’organisation fasse la différence, il faut que tous ses collaborateurs soient impliqués.» Ce qui suppose qu’ils se dotent d’un langage commun, afin qu’à tous les niveaux de l’organisation, les informations puissent être transmises aux patients avec la même simplicité et la même clarté. « Et ça doit commencer dès l’accueil, précise Alexia Brumagne. Les visiteurs doivent se sentir compris d’entrée de jeu, même s’ils ont du mal à expliquer leur problème. La façon de les renseigner, de les orienter peut se révéler décisive pour la suite de leur parcours. »

Santé élargie
L’étape suivante du processus est l’analyse de la situation actuelle. « Pour une organisation, résume Alexia Brumagne, les deux premières questions à se poser sont ‘Qu’est-ce que nous faisons déjà bien ?’ et ‘Comment nous améliorer ?’ En prenant des mesures concrètes et réalisables – comme la plupart des organisations de première ligne manquent de temps et de ressources, elles doivent rester concentrées sur la faisabilité – mais sans oublier que la santé, ce n’est pas seulement la santé médicale : tous les déterminants de la santé entrent en ligne de compte. Pour Cultures&Santé, cette vision élargie est capitale. Si par exemple une information sur les droits en lien avec le logement a un impact sur la santé, elle s’inscrit dans la littératie en santé. »

Groupe-cible
Établis en partenariat, le programme de Gezond Leven est présenté sous forme de boussole, alors que celui de Cultures&Santé, également inspiré de la métaphore du voyage, est intitulé Cap LSO. Ces deux « boîtes à outils » sont complétées par un cours en ligne. Mais, avant d’adopter l’une ou l’autre en tout ou en partie, toute organisation doit, par souci de cohérence, s’assurer la participation de son groupe-cible. « Cette participation est indispensable à chaque phase du processus, affirme Sien De Coninck. Dans une organisation ouverte à la littératie en santé, elle peut être mise en œuvre de différentes manières.  Les membres de l’organisation peuvent par exemple inviter quelques patients à remplir une fiche avec eux, ou leur soumettre les actions sélectionnées. Ils pourront ainsi s’assurer que leur plan d’action correspond vraiment aux besoins du terrain. »

Ensemble
Ces deux boîtes à outils, différentes dans la forme mais semblables par leurs objectifs et leur contenu, sont destinées à faire découvrir le concept, partager un langage commun en équipe, acquérir des prérequis… « Et surtout, conclut Alexia Brumagne, à donner envie de se mettre au travail collectivement en faveur de la littératie en santé, dans une approche organisationnelle. L’important, c’est de réunir tout le monde autour de la table, de recueillir tous les avis, de concilier les visions différentes, s’il y en a, et ensuite d’avancer ensemble. »

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