Huit principes directeurs pour une technologie saine à dimension humaine (‘caring technology’)

Lorsque l’on recourt à la technologie afin d’améliorer la qualité de vie liée à la santé des personnes dans leur vie quotidienne, il est important de veiller aux principes directeurs suivants pour guider notre action :

Promouvoir une technologie humaine et une gestion des données au service du citoyen

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S’assurer que la technologie et l’utilisation des données conservent un rôle de facilitation et de soutien, qu’elles soient bien au service des gens et de la société. Maximaliser la possibilité pour les citoyens de prendre leurs propres décisions en fonction de leurs besoins en aide et en soins et de leurs souhaits en matière de santé.

La technologie est un facilitateur qui crée une valeur ajoutée sociale, respecte l’autonomie et l’estime de soi des personnes et maximalise les possibilités pour les usagers de faire leurs propres choix. Les rapports interpersonnels demeurent au premier plan ; la technologie occupe l’arrière-plan.

De plus, nous voulons que le facteur humain ait son importance dans le développement, l’évaluation, le déploiement et la responsabilité de et sur l’innovation technologique. En d’autres termes, la machine ou l’ordinateur ne prendra pas la main par rapport à l’être humain. Poser un diagnostic, évaluer des besoins en soins et en soutien, lancer un plan de traitement… et toutes les autres étapes déterminantes dans un itinéraire clinique doivent se faire sous la supervision de professionnels de chair et d’os. Certes, l’intelligence artificielle, les ordinateurs et la technologie peuvent soutenir ces processus. Mais jamais ils ne peuvent prendre complètement le dessus.

A chaque développement de la ‘caring technology’, nous devons toujours nous demander si les citoyens, les patients, les aidants proches et les prestataires de soins – en d’autres termes le vaste groupe d’usagers de cette technologie – bénéficieront suffisamment des innovations mises au point. Ces nouveautés doivent avoir pour vocation de soutenir et d’améliorer la qualité de vie des personnes.

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Encourager une collaboration continue entre tous les acteurs en créant un écosystème technologique intégré dans lequel l’interopérabilité, les protocoles normalisés et une technologie de base en open source vont de soi. Aider les patients et les citoyens à participer de manière optimale à l’éclosion et au déploiement de cet écosystème.

Une collaboration fructueuse nécessite l’échange de données, de connaissances et de technologies. Cela réclame des systèmes qui communiquent entre eux, des dispositifs au diapason les uns des autres et des produits innovants qui fonctionnent ensemble, sans entraves et tout en conservant leur fonctionnalité et leurs performances. Des échanges et une coopération fluides ne sont par ailleurs possibles que si l’on crée un écosystème technologique commun auquel toutes les parties prenantes, y compris les patients et les citoyens, peuvent se connecter (open source).

Un tel écosystème pour la ‘caring technology’ ne suppose pas uniquement des ajustements au niveau technique – le développement de normes, des interfaces ouvertes, l’intégration des données, des services de connexion, des plateformes de données et des logiciels adaptés, etc. – mais aussi une approche différente de la part des développeurs et une évolution des modèles commerciaux existants. Nous devons avant tout éviter que n’arrivent sur le marché des innovations qui dépendent entièrement de technologies de base non partagées et/ou qui sont entre les mains d’acteurs en situation de monopole.

La collaboration signifie également que la contribution de toutes les parties prenantes – y compris les utilisateurs finaux tels que les patients, les citoyens, les prestataires de soins et les travailleurs sociaux – est prise en compte de manière inclusive (« tout le monde est impliqué ») et systématique tout au long du processus de développement. Nous espérons que, lors de ce dernier, l’accent sera mis sur les besoins réels de l’utilisateur final concerné et que tous les acteurs se mobiliseront pour y répondre. Les mots clés qui sous-tendent ce principe directeur pour toutes les parties prenantes sont l’implication, la participation active, la coopération, la collaboration et une approche axée sur les besoins.

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Délivrer des informations honnêtes, fiables, transparentes et compréhensibles sur les innovations en matière de soins et de santé. Veiller à ce que les personnes puissent poser des choix en toute autonomie et connaissance de cause (consentement véritable) en dépeignant objectivement l’utilité, l’applicabilité, les avantages et les inconvénients des innovations. Les gens doivent pouvoir avoir confiance dans les produits qu’ils adoptent.

Pour que les citoyens, les patients et les autres usagers puissent faire des choix éclairés, il doit exister une information appropriée et accessible expliquant de façon objective les avantages et les inconvénients d’une innovation. Ce n’est que de cette manière qu’on verra germer une confiance suffisante dans les innovations et que les gens seront autonomisés et responsabilisés.

La diffusion d’information doit être adaptée aux différents groupes cibles. Le groupe cible fondamental est l’utilisateur final : les personnes ayant besoin de soins ou d’assistance, mais aussi celles qui souhaitent exploiter la technologie pour préserver leur santé. Les prestataires et les travailleurs sociaux doivent également être considérés comme des utilisateurs de la ‘caring technology’. Eux aussi doivent être en mesure de faire des choix en s’appuyant sur des informations objectives. Celles-ci peuvent être transmises, entre autres, au moyen de notices spécifiques, comme nous en connaissons pour les médicaments. De telles notices doivent être considérées avant tout comme des outils qui éclairent et guident les utilisateurs, patients, citoyens et autres, afin qu’ils puissent faire de meilleurs choix.

La mise à disposition active d’informations honnêtes et compréhensibles est une tâche qui incombe à l’ensemble de l’écosystème : les concepteurs des innovations technologiques et ceux qui les commercialisent, les acteurs des soins et du bien-être, les organisations de patients et d’utilisateurs, et les autorités. Cette mission de bonne information doit faire partie intégrante du développement de l’écosystème de la ‘caring technology’ en lui-même.

Soutenir l’ancrage sociétal

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Renforcer la confiance des individus et des organisations dans l’utilisation des données et la conception d’innovations qui en exploitent le principe en leur garantissant la propriété sur leurs propres données. Aider les citoyens à partager leurs données en toute sécurité et à les employer comme un levier pour leur bien-être personnel et pour l’intérêt général.

L’idée de base est que chacun conserve le contrôle de ses données, que les gens possèdent la liberté d’utiliser leurs données personnelles pour eux-mêmes, pour leur famille ou pour le bien commun, par exemple dans le cadre de la recherche scientifique.

Chaque citoyen devrait avoir la possibilité de gérer ses propres données, mais aussi d’en déléguer la gestion à un tiers de son choix. Toutefois, cette délégation doit intervenir sur la base d’un choix éclairé et dans un climat de confiance. Par conséquent, l’acteur qui assume la tutelle des données d’une personne doit informer celle-ci de manière transparente sur l’utilisation qui en est faite. Cela nécessite la mise en place d’un système d’information et de soutien accessible.

Chacun doit avoir la garantie que ses données sont partagées de manière « secure », dans le respect de la vie privée et de la confidentialité. Si les gens ont l’impression que leurs données ne sont plus utilisées correctement ou pas exploitées aux fins initialement convenues, ils doivent avoir un droit et une possibilité de retrait. Ce droit devrait être prévu et précisé dans les consentements éclairés (informed consents).

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Promouvoir la littératie technologique, les compétences en santé et la participation de tous les citoyens. S’engager en faveur de l’éducation permanente pour tous. Veiller à ce que tout le monde soit impliqué, en ce compris les personnes vulnérables et défavorisées et celles qui réclament une attention plus particulière. L’innovation doit se concentrer sur la réduction des fossés numériques et sanitaires, pas contribuer à leur aggravation.

Stimuler les connaissances sur sa propre santé et familiariser les gens avec les innovations technologiques sont des mécanismes importants pour ouvrir la ‘caring technology’ au plus grand nombre. Cette stimulation débute avec l’éducation et l’enseignement général, et devrait être étendue à tous les cursus professionnels. Outre l’adaptation systématique aux évolutions technologiques, l’éducation devrait également faire la part (plus) belle à des matières comme l’hygiène de vie et la prévention. Après tout, la santé est l’un des piliers fondamentaux de la qualité de vie.

En outre, lorsqu’elle déploie une ‘caring technology’, la société doit prêter attention aux groupes défavorisés et aux personnes vulnérables. Il faut veiller à ce que les innovations en matière de soins ne creusent pas davantage la fracture digitale et le fossé sanitaire. Au contraire, la technologie de soins peut fournir des outils pour combler ces écarts, en permettant à chacun de participer.

Toutefois, se concentrer uniquement sur la culture numérique et les compétences en santé ne suffit pas. Nous voulons que nos jeunes se muent en citoyens critiques et positifs qui, d’une part, participent de façon volontariste et constructive à une société en mouvement sur le plan technologique, mais qui, d’autre part, restent suffisamment lucides, conscients et critiques pour questionner ces évolutions ainsi que leur propre comportement.

Encourager une gouvernance participative

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Développer une gouvernance participative et adaptative du système d’innovation. Encourager les citoyens et les stakeholders à s’impliquer activement. Ajuster les politiques de manière souple mais néanmoins vigoureuse, sur la base des données, de l’expérience, de preuves et d’une expertise croissante.

Une communauté d’apprentissage au sein et autour de l’écosystème de la ‘caring technology’ doit imprimer une orientation et livrer des conseils qui guident la politique d’innovation. Ces recommandations s’appuient sur des données et des analyses, une expertise et une compréhension qui vont croissant, des preuves et des retours d’expérience d’utilisateurs, etc. Bref, le socle de la communauté d’apprentissage est en constante évolution.

Ce principe directeur invite tous les intervenants du système d’innovation à jouer un rôle actif dans sa gouvernance. Non seulement le gouvernement – qui peut établir un cadre général par le biais de la législation et du financement – mais aussi les chercheurs, les promoteurs, les acteurs de la santé et du bien-être et leurs organisations, les citoyens et les personnes ayant besoin d’aide et de soins.

Tout cela exige un reporting transparent sur les effets des actions et des mesures politiques, et suppose une volonté de la part de toutes les parties prenantes de participer mutuellement à la gouvernance sur un pied d’égalité. Pour ce faire, il faut de la confiance, de l’ouverture d’esprit et la volonté de travailler ensemble à la réalisation d’objectifs communs.

Monitorer la qualité et la cohérence du système

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Elaborer des systèmes d’assurance qualité du processus d’innovation, c.-à-d. avant, pendant et après le développement de la technologie, l’utilisation des données et l’implémentation de la technologie. Le contrôle doit porter sur le contenu, la sécurité, la transparence des informations, la traçabilité, l’utilité et l’efficacité. Les leçons de l’expérience doivent aller de pair avec les preuves scientifiques. Introduire des labels de qualité, et diffuser les résultats des contrôles et évaluations.

L’innovation de qualité consiste avant tout à atteindre des objectifs prédéfinis en termes de sécurité, d’efficacité, de rapport coût-efficacité, de convivialité, d’information transparente et d’utilité, tant sur le plan individuel que sur celui de la collectivité. Nous attendons donc que les innovations en matière de ‘caring technology’ répondent à des exigences et des obligations similaires à, par exemple, celles qui s’appliquent aux médicaments et aux dispositifs médicaux.

Un contrôle de qualité bien organisé, une certification des innovations technologiques ainsi que des garanties de traçabilité dans l’utilisation des données amélioreront la confiance des citoyens. Les huit principes directeurs fournissent non seulement un cadre orienté développement pour bâtir cette confiance, mais ils peuvent également évoluer progressivement en un instrument d’évaluation, à condition que des questions d’évaluation y soient associées.

Dans le cadre de l’assurance qualité, il est important d’inclure, en marge de critères standard tels que les preuves scientifiques (evidence) et le rapport coût-efficacité, les expériences d’utilisateurs (les patients, les prestataires de soins, les aidants proches, les citoyens…).

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Monitorer les actions et vérifier qu’elles restent cohérentes avec les objectifs fixés en matière de santé et de soins dans un cadre plus large de prévention, d’éthique et de durabilité. Intégrer des objectifs de durabilité et des principes éthiques appropriés (par exemple, les droits de l’homme) dans la voie de la croissance de l’innovation.

Le déploiement de la ‘caring technology’ doit être conforme aux objectifs de santé et de qualité de vie qui sont fixés par la société. Les soins de santé de demain doivent notamment mettre l’accent non plus sur la maladie et son traitement, mais sur la prévention et la préservation de la santé.

Les nouveaux développements doivent s’inscrire dans le contexte plus large des principes fondamentaux internationaux et démocratiques (par exemple, la Charte des droits fondamentaux de l’UE, la Déclaration des droits de l’homme de l’ONU, les objectifs de développement durable, etc.). Ces principes fondamentaux guident les sociétés démocratiques d’aujourd’hui et de demain.

Nous attendons donc des innovations en matière de soins de santé qu’elles déplacent le curseur non seulement vers le préventif, mais soient aussi synonymes d’intégration des principes éthiques et de durabilité. Les participants à l’écosystème de la ‘caring technology’ doivent traduire ces principes internationalement reconnus en un cadre dans lequel le développement technologique peut s’inscrire.

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