Un accompagnement logopédique ajustable à la diversité

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Aujourd’hui, le travail du logopède ne consiste pas seulement à accompagner des enfants qui présentent une déficience : il vise aussi à soutenir leur famille afin qu’elle puisse avoir au quotidien des interactions optimales avec eux. Une mission qu’il est important mais pas toujours facile de bien faire comprendre aux parents, en particulier s’ils sont issus de la diversité.

Au sein du centre de réadaptation Comprendre et Parler, Pauline van der Straten Waillet travaille comme logopède avec de très jeunes enfants atteints de surdité. “Nous intervenons dès les premiers mois de la vie, tant au centre qu’à domicile, et nous cherchons surtout à soutenir ce qu’on appelle les prérequis du langage, c’est-à-dire les compétences non verbales qui vont permettre l’émergence du langage : le contact visuel, le tour de rôle ou de parole, la conscience de la permanence de l’objet, l’attention conjointe… Il est essentiel que les parents réagissent au comportement préverbal de l’enfant, qu’il soit malentendant ou non, comme lorsqu’il gazouille ou qu’il pointe un objet du doigt”.

C’est ce que Pauline et les autres logopèdes d’intervention précoce s’efforcent d’expliquer aux parents. Ce qui n’est pas toujours facile, notamment s’ils sont issus d’un milieu culturellement différent du nôtre : “Parfois, la fonction de logopède n’existe pas dans leur culture d’origine et ils n’en ont donc aucune représentation. Certains ont aussi une très faible connaissance du français ou ne le parlent même pas du tout. Or, nous sommes de plus en plus amenés à travailler avec un public issu de l’immigration : environ 40% des enfants qui fréquentent le centre Comprendre et Parler ne sont pas unilingues francophones”.

Documents illustrés

Ces différences linguistiques et culturelles sont déstabilisantes pour beaucoup de logopèdes, qui sont en demande d’outils pour pouvoir collaborer et communiquer plus efficacement avec ce public. C’est ce qui a donné l’idée à Pauline de mener, avec le soutien du Fonds Daniël De Coninck, un projet visant à identifier les besoins des logopèdes dans ce domaine et de proposer des moyens pour y répondre. En plus d’une revue de la littérature sur les thèmes de l’accompagnement logopédique avec des familles issues de l’immigration et du bilinguisme chez les enfants avec déficience auditive, elle a rencontré des logopèdes et des parents d’origine étrangère. “Les logopèdes souhaitent disposer de documents illustrés ou traduits en plusieurs langues pour pouvoir donner des conseils aux parents, comme de reformuler ce que l’enfant a dit. Ils aimeraient aussi avoir des exemples d’interactions parents-enfants sur support vidéo. Un autre besoin, surtout à l’attention de leur hiérarchie, est de pouvoir disposer de davantage de temps pour travailler avec ces familles-là”.

Les parents interviewés se déclarent globalement satisfaits de l’aide qu’ils ont reçue. Ceux qui parlent peu français voudraient pouvoir mieux comprendre le travail du logopède et les objectifs des différentes activités. Des documents explicatifs, même en français, seraient utiles car ils peuvent souvent se débrouiller pour les faire traduire (y compris au moyen de programmes de traduction automatique), mais l’idéal serait qu’un interprète soit présent à certains moments clés.

Des lacunes à combler

Au cours de sa recherche, Pauline s’est aperçue qu’il existait déjà pas mal de choses : “J’ai recensé toute une série de documents de vulgarisation, notamment d’organismes québécois ou français, qui étaient traduits, y compris des affiches et des vidéos destinées aux parents. On trouve aussi diverses sources d’information utiles pour les professionnels, mais tout cela est dispersé un peu partout sur internet. Je compte créer un site web où tous ces outils seront rassemblés et pourront être consultés aisément. Mais il y a des lacunes qu’il faudra combler par de nouveaux documents (présentant les étapes classiques du développement linguistique d’un enfant bilingue ou le rôle du logopède dans l’accompagnement parental) que j’ai l’intention de créer avec une illustratrice spécialisée dans le dessin pédagogique. Ils seront traduits dans les trois langues que j’ai ciblées, à savoir l’arabe, le turc et le polonais, et ils seront aussi utiles à des professionnels qui travaillent avec des enfants bilingues atteints d’autres déficiences que la surdité”. La diffusion de ces outils se fera par l’intermédiaire des unions professionnelles de logopèdes, de pages Facebook spécialisées…

Pauline souhaiterait également réaliser des vidéos explicatives : le budget de la subvention ne permet pas de faire appel à des équipes de tournage professionnelles, mais des collaborations sont envisagées avec des écoles supérieures. Elle résumera les conclusions de ses recherches en une synthèse scientifique qui pourra être présentée lors de séminaires ou de conférences, car même parmi les professionnels, il y a encore beaucoup d’idées reçues qui circulent sur le travail avec des enfants bilingues. À terme, elle a même l’idée de mettre sur pied un projet de formation continue sur la logopédie avec les enfants bilingues.

Initiative soutenue en 2018 dans le cadre de l’appel à projets ‘Bourses pour les professionnels de la première ligne’

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