A Gedinne, les soins à domicile se réinventent

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Absences du personnel, difficultés de recrutement. Le secteur de l’aide et des soins à domicile fait face à bien des difficultés. Pour les pallier, une équipe du centre d’aide et soins à domicile de Gedinne tente de réinventer le modèle. Son projet-pilote est intégré dans une recherche-action sur l’emploi du Fonds Dr. Daniel De Coninck et a bénéficié d’un soutien pour un voyage d’immersion grâce à la « bourse pour professionnels de la première ligne » du même Fonds.

A Gedinne, en Wallonie, les infirmières, infirmiers et aides-soignantes de centre d’aide et soins à domicile (ASD), ont pris le taureau par les cornes. Face à l’épuisement du personnel, au ‘’turn over’’, aux difficultés de recrutement et à la relative désaffection des patients, l’équipe a décidé de changer radicalement de mode d’organisation. « Nous constations que le modèle des soins à domicile n’avait pas beaucoup changé depuis 50 ans. Il est temps d’innover », explique Patricia Beaufays, directrice du département « soins infirmiers » en province de Namur. La structure pyramidale des centres de soins contribue à la lente érosion de la motivation du personnel du centre, à une « perte de sens », témoigne le personnel soignant. « C’est aussi le mode de financement archaïque du secteur qui pose problème », regrette la directrice. Le centre est en effet tributaire des faibles remboursements de l’INAMI, pour la plupart des actes infirmiers posés. « Le paiement à l’acte entraîne une course au rendement », enchaîne Séverine Vermersch, infirmière responsable au centre. Une course aux actes qui réduit le temps passé auprès des patients et, indirectement, la qualité de soins. En bout de course, ce mode de fonctionnement fragilise le bien-être des travailleurs.

Des expériences inspirantes aux Pays-Bas et en France

Pour rompre le cercle vicieux et imaginer de nouveaux modèles, l’équipe du centre d’aide et soins à domicile de Gedinne a cherché l’inspiration à l’étranger. Aux origines, il y eut le « Buurtzorg », pour « quartier de soin » aux Pays-Bas, puis « Soignons humains » au nord de la France. Dans les deux cas, on trouve de petites équipes de soins, autogérées, qui prennent le temps de comprendre le patient dans sa globalité, de cerner ses difficultés physiques, bien sûr, mais aussi psychiques. Ces équipes tissent des liens au niveau local et activent les ressources du malade – voisins, familles – comme un réseau de solidarité protecteur. Séverine Vermersch, infirmière responsable au centre ASD, a rendu visite à « Soignons humains », en France. C’est mue d’une conviction forte qu’elle est revenue de son voyage d’immersion : « En changeant de mode d’organisation, on peut améliorer le bien-être des infirmiers.ières et aides-soignant.e.s et améliorer la qualité de soins. »

Le centre de Gedinne a constitué une équipe de 12 volontaires prêts à changer la donne. Ils optent pour un modèle de « semi-autonomie », où la structure hiérarchique n’est pas abolie formellement mais des responsabilités tournantes sont attribuées à tous les membres du groupe. Le centre de Gedinne a désormais son organisateur de réunion, sa planificatrice des tournées, une référente ‘anamnèse’ etc. Toutes les décisions sont discutées et adoptées en groupe, selon la méthodologie de la « sociocratie » qui place le consentement de chacun au cœur de la mécanique du groupe. « Chacun a son mot à dire, il y a davantage de respect, moins de frustration », témoigne Julien Dumont, infirmier

 

En changeant de mode d’organisation, on peut améliorer le bien-être des infirmiers.ières et des aides-soignant.e.s et améliorer la qualité des soins

— Séverine Vermersch, infirmière responsable au Centre ASD

Le bien-être du personnel et du patient

Si les changements organisationnels sont salués par les soignants de Gedinne, ils n’empêchent pas la course aux soins induits par le financement à l’acte. En France et aux Pays-Bas, les expérimentations autour des « quartiers de soins » bénéficient de paiements forfaitaires. Pour pallier, même imparfaitement, cet inconvénient majeur, le centre de soins peut s’appuyer sur la présence d’une aide-soignante supplémentaire, recrutée grâce au fonds blouse blanche. Sa présence, en accompagnement des infirmiers dans les situations plus lourdes, permet de dégager un peu de temps pour travailler la relation humaine des soignants avec les patients, ces derniers étant majoritairement des personnes âgées, isolées. « Souvent ce qu’ils souhaitent c’est le contact humain. En prenant davantage le temps de parler, on peut déceler d’autres besoins », explique Joëlle Mallien, infirmière au centre ASD de Gedinne depuis plus de trente ans. « Cela permet d’approfondir l’évaluation des besoins du patient, les besoins physiologiques immédiats, mais aussi les besoins de long terme », abonde Sarah Wera, infirmière responsable adjointe. Si l’expérience pilote n’a débuté qu’au mois de septembre , les effets positifs se font déjà sentir, comme le décrit Séverine Vermersch : « Le personnel se sent mieux, l’absentéisme diminue, les patients le ressentent, il y a moins d’allers-retours entre l’hôpital et le domicile. » « C’est très valorisant, car désormais, nous avons notre mot à dire », lance, en guise de conclusion, Cindy De Backer, aide-soignante.

 

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