Comment aborder la santé sexuelle avec des migrants qui vivent avec le VIH ?

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Le médecin généraliste est devenu l’interlocuteur privilégié pour de nombreux patients vivant avec le VIH, qui ne voient le spécialiste du Centre de référence VIH qu’une ou deux fois par an. Il est important de l’outiller pour qu’il puisse mieux dialoguer avec ces patients sur les questions touchant à la sexualité, en particulier pour ceux qui sont plus vulnérables en raison de leur parcours migratoire.

Avec les nouveaux traitements antirétroviraux, les choses ont bien changé pour les patients vivant avec le VIH : s’ils suivent bien leur traitement, la grande majorité d’entre eux ne sont plus des vecteurs de transmission et peuvent avoir la même vie sexuelle que tout un chacun. “C’est ce qu’on appelle le concept I=I, autrement dit Indétectable = Intransmissible”, explique Maureen Louhenapessy, directrice adjointe de la Plateforme Prévention Sida. “Mais, il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que cela change aussi dans les têtes : dans les têtes de certains patients, qui sont stigmatisés depuis si longtemps ; dans celles de leurs proches, de leur entourage et même dans celles des soignants : des enquêtes ont révélé que, de manière assez surprenante, le milieu médical restait parfois discriminant envers les patients atteints du VIH”.

Les patients migrants sont particulièrement vulnérables à plusieurs égards. D’une part, leur maîtrise difficile de la langue fait qu’ils ont plus de mal à comprendre des concepts complexes … D’autre part, ils sont souvent soumis à des conditions de vie stressantes qui peuvent perturber aussi leur vie sexuelle.

— Maureen Louhenapessy - Plateforme Prévention Sida

Deux outils d’information
C’est pourquoi il est urgent de renforcer les compétences en santé des uns et des autres dans ce domaine. Avec l’aide du Fonds Dr Daniël De Coninck, la Plateforme Prévention Sida a dès lors mis au point deux outils d’information : l’un destiné aux médecins généralistes et l’autre aux patients vivant avec le VIH et d’origine afro-latino-caribéenne.

“Les patients migrants sont particulièrement vulnérables à plusieurs égards”, poursuit Maureen Louhenapessy. “D’une part, leur maîtrise difficile de la langue fait qu’ils ont plus de mal à comprendre des concepts complexes comme I=I, charge virale, IST (infection sexuellement transmissible), … D’autre part, ils sont souvent soumis à des conditions de vie stressantes qui peuvent perturber aussi leur vie sexuelle. Et il peut aussi y avoir des freins culturels qui font qu’il leur est plus difficile d’aborder des questions touchant à leur intimité ou à leur sexualité, même avec leur médecin”.

Des groupes de discussion avec des personnes issues de l’immigration et vivant avec le VIH ont permis de mieux cerner ces difficultés. Et aussi d’imaginer, à partir de leur expérience vécue, des moyens pour les surmonter. Maureen Louhenapessy : “L’idée est de réaliser une petite brochure contenant des conseils et des recommandations, sous forme de check-list, afin de renforcer leurs compétences en santé et de les aider à ouvrir le dialogue sur leur sexualité. Ainsi, certaines personnes vivant avec le VIH souffrent de problèmes sexuels, comme une perte de libido, et les attribuent au traitement antirétroviral alors que cela peut être dû à leurs conditions de vie difficiles. Il est important d’en parler avec le médecin généraliste. Cet outil d’information, qui devrait voir le jour dans le courant de l’année 2021, sera très visuel, il sera rédigé dans un langage simple et il sera traduit dans une série de langues parlées par les migrants (espagnol, portugais, arabe, lingala…). Pour le diffuser, nous ferons appel entre autres à notre vaste réseau de partenaires de terrain, comme les centres de référence VIH, les centres de planning familial, les maisons médicales ou encore la Croix-Rouge”.

Ouverture au dialogue
Mais, du côté des médecins généralistes aussi, il y a un besoin d’information à combler. Là aussi, une concertation a été mise en place avec un certain nombre d’entre eux pour identifier leurs attentes et leurs besoins, même si les restrictions de contact dues à la crise sanitaire ont malheureusement quelque peu perturbé l’organisation de ces rencontres. Ils pourront tout d’abord disposer d’une affiche à apposer dans la salle d’attente, rappelant que le médecin généraliste est ouvert au dialogue sur les questions de sexualité et de VIH, ce qui n’est sans doute pas évident pour tous les patients (migrants). “Nous leur proposerons également un outil pour les accompagner dans ce dialogue, avec une série de trucs et astuces pour parler de la santé sexuelle avec leurs patients migrants vivant avec le VIH, compte tenu des sensibilités culturelles : comment mettre le patient à l’aise et le rassurer ; s’informer sur ses conditions de vie ; s’assurer qu’il comprend le traitement à suivre, qu’il le respecte bien et qu’il ne l’a pas remplacé par des traitements alternatifs à base de plantes, par exemple ; l’interroger sur sa vie sexuelle et sur son désir éventuel de grossesse ; lui parler du dépistage des autres IST… Chaque étape de ce cheminement sera illustrée d’exemples de questions concrètes à poser ou d’informations à donner. Ce support sera disponible aussi bien en version papier qu’en ligne, avec des liens vers des sources d’information plus spécialisées”.

À terme, des formations sur ces questions destinées aux médecins généralistes pourront aussi être envisagées, mais ce volet du projet dépend encore plus que les deux autres de l’évolution de la crise sanitaire : il faudra attendre que la vie sociale retrouve son cours normal pour pouvoir définir les besoins précis avec les médecins eux-mêmes et mettre sur pied des moments de formation.

Le projet ‘Améliorer le dialogue autour de la santé sexuelle et du VIH, entre les patients migrants subsahariens (SAM) vivant avec le VIH et leur médecin généraliste’ bénéficie du soutien du Fonds Dr. Daniël De Coninck dans le cadre de l’appel ‘Renforcer les compétences en matière de santé et de soins’. Au total, 25 projets ont été sélectionnés.

Contact:
Maureen Louhenapessy
Thierry Martin
Place de la Vieille Halle aux blés 29/28, 1000 Bruxelles

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