Déstigmatiser la santé mentale…
… c’est d’abord la rendre plus compréhensible. Pour atteindre cet objectif, la Plateforme Bruxelloise pour la Santé Mentale a décidé de diversifier ses canaux de communication, et avant tout de faire de son site web un véritable outil d’information et d’échanges. Plus facile à dire qu’à faire, mais le résultat en vaut la peine !
« Ces dernières années, explique Valérie Debadts, chargée de projet, notre Plateforme, qui est un organe de concertation entre les différents acteurs de santé mentale – services psychiatriques, centres de jour, services de santé mentale, etc. – a resserré ses liens avec les usagers et les proches. Et tant les patients que leur entourage familial et amical nous ont partagé leurs difficultés à trouver une information de qualité, fiable et centralisée ».
Manque de visibilité
Valérie Debadts sait de quoi elle parle. Institutrice primaire de formation, elle a travaillé pendant dix ans comme gestionnaire de dossiers, avant de faire un burnout. « À la base, je suis donc moi-même usagère en santé mentale. Et, comme tant d’autres, je n’ai pas tardé à me rendre compte de ce qui ne fonctionnait pas. Beaucoup d’initiatives se créent pour répondre aux besoins en matière de santé mentale. Mais, elles sont disparates et manquent de visibilité. Or, lorsque vous devenez patient, vous n’avez pas toujours la chance de tomber sur un professionnel bien renseigné, capable de vous aiguiller : certains médecins, moins familiarisés avec le domaine de la santé mentale, ont eux-mêmes du mal à s’orienter dans une offre de soins particulièrement complexe. Alors, comme moi, vous explorez internet, où vous risquez, faute d’une centralisation de l’information, de tomber sur des charlatans, voire sur une secte. C’est pourquoi, à partir des connaissances acquises à travers mes propres trajets de soins, je me suis mise à rédiger un blog axé sur le burnout, où je donnais des références, des liens, des lieux, des trucs et astuces ».
À la place des usagers
Sur cette base, Valérie Debadts, qui s’était entre-temps engagée comme bénévole auprès de la Plateforme Bruxelloise pour la Santé Mentale – « parce que, comme beaucoup de patients, j’avais envie de faire bouger les lignes et modifier les mentalités » – a été associée à la réflexion sur l’information en santé mentale. « Réflexion qui a révélé l’urgence de moderniser notre site internet. Et d’abord de renoncer au vocabulaire sectoriel que nous utilisons au quotidien, et qui est obscur pour les usagers et leurs proches. Avec deux autres collègues, nous avons suivi une formation sur le Facile à Lire et à Comprendre (FALC), donnée par l’asbl Inclusion (www.inclusion-asbl.be/espace-facile-a-lire/), afin de (ré)apprendre à simplifier notre langage. Pour bien communiquer, il faut être capable de se mettre à la place des usagers : lorsqu’on est sous antidépresseurs et anxiolytiques, et même tout simplement lorsqu’on se sent mal, on n’a pas assez d’énergie pour parcourir des pages et des pages indigestes, en quête d’un renseignement qu’on ne trouve généralement pas. Cette évidence est à l’origine de notre nouveau site internet, que nous avons voulu accessible, compréhensible et évolutif ».
Méandres
Parce que le public-cible de ce site est extrêmement large – des citoyens aux politiques, des usagers aux employeurs — tant sa structure que ses textes ont été soumis à des représentants des intéressés. « Nous avons aussi organisé des focus groups avec des professionnels, des usagers, des proches auxquels nous avons demandé : ‘Si vous arriviez sur notre site, quelles questions poseriez-vous ?’, et nous sommes partis de ces questions-là pour améliorer le site. De plus, nous avons un groupe Interface, qui a essayé de faire le tour des thématiques intéressantes, que la personne qui consulte le site soit usager, proche ou simple citoyen, et qu’elle se renseigne pour elle-même ou pour quelqu’un d’autre… La crise sanitaire a augmenté le besoin d’informations. Mais, ces informations sont dispersées, voire perdues, dans les méandres d’internet. Notre volonté de centraliser l’information de confiance à travers notre projet en a été renforcée d’autant plus ».
Littératie en santé
Le résultat est un site (platformbxl.brussels) en trois parties :
- une partie informations, qui répond aux critères de la littératie en santé : simple, compréhensible, tous publics. Si ces informations existent déjà ailleurs, le visiteur est dirigé vers d’autres sites et contacts utiles. « Nous relayons également sur notre site les actualité du secteur, et nous renvoyons les personnes en demande vers nos partenaires en santé mentale » ;
- une partie présentant les différentes activités de la Plateforme: groupes de travail, recherches, initiatives, etc. ;
- une partie pour les professionnels, qui leur permet d’accéder, entre autres, aux documents des nombreux groupes de travail, organisés tout au long de l’année avec différents partenaires en santé mentale.
Un labyrinthe d’offres
« Nous continuons évidemment à nous réunir régulièrement en équipe », précise Valérie Debadts, « pour nous assurer que tous les pôles que nous représentons restent couverts et que l’information soit toujours aussi claire que possible. Par ailleurs, après avoir nourri notre site internet des informations que nous souhaitions mettre à la disposition du public, nous avons créé un numéro vert, une ligne de soutien et d’entraide par et pour les usagers et par et pour les proches en santé mentale, accessible 7 jours sur 7 de 18 à 21 h. : le 0800/1234.1. De manière à ce qu’une personne qui cherche de l’aide ne tombe pas d’entrée de jeu sur un professionnel, mais plutôt sur un autre usager capable de l’écouter et de la comprendre. Nous comptons également développer un forum et un chat en ligne. Et nous réaliserons des enquêtes auprès des visiteurs de notre site, afin d’obtenir leur avis sur la visibilité et l’accessibilité de l’information ». Le site de la Plateforme est aussi une réponse au Livre Noir sur la Santé Mentale, publié en 2018 par la Fédération des Associations de Médecins Généralistes de Bruxelles (FAMGB), qui dénonçait les nombreuses lacunes dans les soins pour les troubles de santé mentale et « un labyrinthe d’offres dans lesquels les patients et les professionnels se perdent ».
Fracture numérique
La stratégie communicationnelle de la Plateforme ne se limite cependant pas à son site internet, si dynamique soit-il. En plus d’un compte Twitter, créé en 2020, elle s’est dotée d’une page Facebook (facebook.com/PlatformBxl). « Mais, nous n’oublions pas pour autant les personnes non initiées aux technologies de l’information et celles qui, de par leur précarité, n’ont pas accès à internet. Pour toutes ces personnes confrontées à la fameuse ‘fracture numérique’, nous avons prévu des flyers, dépliants et autres supports, qui leur donneront accès aux mêmes informations que le site ». Sans oublier le Schieve Niouz, un trimestriel « pensé par des Bruxellois pour des Bruxellois », souligne Valérie Debadts. « C’est un périodique bilingue distribué dans les maisons médicales, les services de santé mentale, les services psychiatriques, etc., mais également consultable en ligne (https://platformbxl.brussels/fr/nos-activites/initiatives/schieve-niouz). Son objectif, résumé par le slogan ‘N’ouvrez pas ce journal ! Il parle de santé mentale !’, est de déstigmatiser et d’informer le public en santé mentale. Le comité de rédaction inclut des usagers et des proches, et tout bénévole intéressé peut proposer des articles ou des dessins ».
Événements
La Plateforme publie également des brochures, notamment un Répertoire des Équipes mobiles de soins psychiatriques en Région de Bruxelles-Capitale, finalisé en 2021 et rassemblant toutes les offres destinées au public adulte à partir de 18 ans. « Mais, ce qui fonctionne vraiment bien », constate Valérie Debadts, « ce sont les événements sur le terrain en dehors du contexte des soins. Les barrières entre usagers et professionnels du soin tombent, les étiquettes n’existent plus : c’est l’échange qui prime ! Nous organisons nos propres événements – Halloween, la Saint-Nicolas… – où nous faisons se rencontrer les usagers de plusieurs lieux de soins, afin d’encourager les échanges et l’entraide entre patients. Mais, la Plateforme participe aussi à des événements publics comme les 20km de Bruxelles ou la Fête au Parc le 21 juillet, où nous avons un stand avec des brochures d’information sur la santé mentale. Si nous voulons sensibiliser le grand public, il est important de rapprocher la santé mentale des gens à des endroits et des moments où ils sont détendus ».
Contact :
Valérie Debadts