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Hôpital-domicile : un partenariat gagnant

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Maxime Vasseur a rejoint le service de soins à domicile bruxellois Arémis* « dans l’espoir de participer à des projets pilotes et d’intégrer de nouveaux soins à domicile ». Grâce à une bourse du Fonds De Coninck, il est devenu infirmier référent en hémodialyse quotidienne à domicile.

La dialyse à domicile n’est pas une nouveauté, mais, jusqu’à présent, la seule technique de suppléance dont le patient atteint d’une maladie rénale chronique pouvait bénéficier chez lui était la dialyse péritonéale, qui utilise le péritoine comme membrane de dialyse. « Une solution, appelée dialysat, est injectée dans la cavité péritonéale par le biais d’un cathéter mis en place à demeure, le péritoine servant de filtre, explique Maxime Vasseur, infirmier responsable adjoint de l’asbl Arémis. L’hémodialyse, par contre, nécessite un accès vasculaire – cathéter ou fistule – et c’est une machine qui filtre le sang. » Les deux techniques ont leurs avantages et leurs inconvénients, le choix revenant en finale au patient, qui doit, dans les deux cas, recevoir une formation minimale par du personnel qualifié. Mais l’hémodialyse à domicile a longtemps été difficile, voire impossible, en raison du volume de la machine.

Ça, c’est pour nous !
« Dès que j’ai appris que l’hémodialyse pouvait désormais se pratiquer à la maison, grâce à des machines plus petites, je me suis dit « Ça, c’est pour nous ! », souligne Maxime Vasseur. La formation d’un infirmier référent – moi, en l’occurrence – qui pourrait ensuite former et accompagner les dix personnes de l’équipe infirmière permettrait à Arémis de développer son offre d’hospitalisation à domicile en néphrologie. Restait à financer ce projet. La bourse pour professionnels de première ligne du Fonds De Coninck a été l’opportunité que nous attendions ! »

Pari sur l’avenir
Aussitôt dit, aussitôt fait : après avoir consulté la Professeure Joëlle Nortier, chef du service de néphrologie-dialyse de l’hôpital Brugmann, « pour m’assurer que cette belle idée avait des chances de se réaliser », Maxime Vasseur décrit son projet à la direction d’Arémis, qui s’en ouvre à Santélys, l’association « spécialiste de la santé à domicile » du nord de la France à laquelle elle se rattache. « En France, l’hospitalisation à domicile est établie depuis beaucoup plus longtemps qu’en Belgique. Santélys avait déjà une activité d’hémodialyse à domicile, et avait l’ambition de la développer à Bruxelles par l’intermédiaire d’Arémis, mais, tant technologiquement que financièrement, c’était compliqué. » La bourse du Fonds De Coninck ne couvrait que la moitié des frais, mais Arémis a acccepté de financer l’autre moitié. « Ce n’était pas gagné d’avance, c’était un investissement pionnier, un pari sur l’avenir. »

40%
Après une formation théorique en néphrologie à Namur, dans le cadre des Formations continues & recherche (FoRS) de l’Hénallux (Haute École de Namur-Liège-Luxembourg), Maxime Vasseur s’immerge au sein du service d’hémodialyse du CHU Brugmann pendant 226 heures. « J’ai eu la même formation qu’un nouvel arrivant en service de dialyse. Sous forme de modules, évidemment, puisque je ne travaillais pas à temps plein à l’hôpital Brugmann, même si j’y ai passé beaucoup de temps. Mais je me devais d’avoir les mêmes exigences que les infirmiers en hémodialyse ! » De la part de l’hôpital, l’accueil et la formation de Maxime Vasseur ont nécessité une organisation considérable, et le nouvel infirmier référent en hémodialyse tient à saluer le dévouement « des travailleurs de l’hôpital, de l’infirmière responsable, des infirmiers qui m’ont encadré… » Même si, en encourageant l’hémodialyse à domicile, l’hôpital sert aussi ses intérêts. « Depuis 2016, rappelle Maxime Vasseur, les centres de dialyse sont obligés par l’INAMI, entre autres pour réduire les coûts, d’avoir au moins 40% de leurs patients en dialyse alternative : dialyse péritonéale à domicile, hémodialyse à domicile, et aussi non-dialyse, car tout patient a le droit de ne pas se faire dialyser et ce refus est considéré comme une technique alternative… »

Nos infirmiers sont tout sauf routiniers : ils aiment s’engager dans de nouveaux projets, booster leurs compétences, retourner à l’hôpital pour des formations

— Arémis asbl

Enthousiasme
Chez ses collègues d’Arémis, le projet a d’emblée suscité l’enthousiasme : « Nos infirmiers sont tout sauf routiniers : ils aiment s’engager dans de nouveaux projets, booster leurs compétences, retourner à l’hôpital pour des formations – au total, 40 heures par infirmier ont été nécessaires. L’asbl a évidemment dû mettre suffisamment de temps à leur disposition pour que ce soit faisable et compatible avec le reste de leur travail, mais, sur le principe, il n’y a pas eu la moindre réticence. Seulement un peu d’appréhension et de stress, parce que c’était un nouveau soin, et qu’ils connaissaient son importance pour la qualité de vie des patients ». Mais tous ont accepté de payer de leur personne, tant l’infirmière coordinatrice, qui a dû adapter son temps de travail pour permettre à Maxime Vasseur de passer plus de temps sur le terrain, que les infirmiers pas encore en formation, qui ont dû prendre davantage de patients en charge pour libérer du temps à leurs collègues. « Ces derniers mois ont été plutôt intenses, reconnaît Maxime Vasseur. Mais la moitié de l’équipe est aujourd’hui formée et, pour les collègues que je n’accompagne plus parce qu’ils sont devenus autonomes, ça se passe très bien. »

Formation continue
D’autant que les infirmiers d’Arémis ne sont pas seuls : « L’hôpital est là en backup, précise Maxime Vasseur. Et une convention signée entre l’unité de dialyse et Arémis balise notre collaboration. Nos infirmiers participent à plusieurs séances d’hémodialyse à l’hôpital, afin de maîtriser la technique, et l’unité de dialyse s’engage à assurer une formation et un accompagnement continus, par téléphone ou par e-mail. Tout le monde connaît son rôle et sait ce qu’il doit faire. » Si l’hémodialyse quotidienne à domicile fait désormais partie intégrante de l’offre de l’asbl Arémis, cependant, celle-ci n’a encore que deux patients. « La charge de travail que représente un patient hémodialysé est considérable, insiste Maxime Vasseur, et la deuxième moitié de l’équipe ne sera formée qu’en septembre. Nous pourrons alors accepter d’autres patients. Mais en prendre davantage pour l’instant serait générateur de stress – pour nous comme pour les patients. Le succès de ce projet repose aussi sur le réalisme ! »

Au rythme des dialyses
Du côté des patients, en tout cas, les réactions sont très positives. « Les allers-retours quotidiens à l’hôpital, c’est pénible, non seulement pour le patient lui-même, mais aussi pour l’aidant proche qui l’accompagne, et dont la vie est également rythmée par les dialyses, explique Maxime Vasseur. Depuis que nous avons commencé, en janvier dernier, il y a eu un jour où malheureusement nous n’avions pas d’infirmier disponible (à cause d’un congé et du manque de personnel formé à ce moment-là du projet). Exceptionnellement, le patient a donc dû se rendre à l’hôpital pour sa dialyse, et, bien qu’il ait été prévenu longtemps à l’avance, il nous a avoué à la fois combien ce déplacement lui avait pesé et combien il était reconnaissant de pouvoir être hémodialysé à la maison. »

Télétravail
Chez eux, en effet, les patients échappent aux temps d’attente parfois interminables qui précèdent et suivent leur séance de dialyse. « Au lieu de passer quatre à six heures à l’hôpital pour un traitement de deux heures, ils montent eux-mêmes leur machine – ils sont formés pour cela – et, en nous attendant, ils poursuivent leurs activités. Un de nos patients télétravaille, nous le branchons dès notre arrivée, nous le débranchons pilepoil deux heures plus tard, et il reprend là où il s’est arrêté. De plus, puisqu’une convention est signée avec l’hôpital et que celui-ci nous rétribue, le coût financier pour le patient n’est pas plus élevé. Il épargne même sur les transports, car, si les coûts directs liés au traitement par dialyse sont assumés par la mutualité, les transports, eux, ne sont remboursés qu’à 50%. Ainsi, un de nos patients devait payer de sa poche 20 euros par jour, six jours par semaine, soit 480 euros par mois. Pour ceux qui bénéficient de l’hémodialyse à domicile, aucun transport n’est nécessaire ! »

Partenariat
Selon Maxime Vasseur, l’hémodialyse à domicile ne présente donc que des avantages. « Tout se passe dans l’environnement familier du patient, sans stress, avec ses proches, ses animaux domestiques, son travail, sa musique, ses livres, ses jeux électroniques… Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : le domicile ne peut pas se passer de l’hôpital. Seulement, l’hôpital ne peut pas non plus se passer du domicile. Entre les deux – et cette formation en hémodialyse nous a permis de le constater – un véritable partenariat se développe. Pour l’équipe infirmière, c’est stimulant, parce que nous avons la conviction d’aller dans la bonne direction : nous faisons sortir le patient des murs de l’hôpital, mais pas de l’hôpital lui-même, puisque sa maison, tout en restant prioritairement son lieu de vie, devient une sorte d’extension de l’hôpital, où il peut bénéficier de tous les soins dont il a besoin. Et, pour le patient, ça change complètement la façon de vivre sa maladie.»

ww.aremis-asbl.org, [email protected],

 

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