Je veux rester chez moi !

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Malgré l’âge et la maladie, la plupart d’entre nous n’envisagent pas de vieillir ailleurs que chez eux. Et les personnes désorientées font d’autant moins exception à la règle que leur maison, leur quartier, l’épicier du coin et le sourire de la voisine sont de précieux repères pour pallier leurs difficultés. Pour leur assurer un maintien à domicile de qualité dans un environnement sécurisé, Alzheimer Belgique a lancé, avec l’ASD Brabant Wallon et l’asbl Aidants Proches, un projet de modèle collaboratif. 

Ce désir de rester chez soi aussi longtemps que possible, Alzheimer Belgique peut en témoigner :  les personnes – malades ou aidants proches – qui s’adressent à l’association n’en font pas mystère. Même quand elles succombent à la tentation du déni et minimisent la maladie,  elles sont conscientes que, pour atteindre cet objectif, elles ont besoin d’aide. Mais, cette aide, qui leur est apportée par les professionnels du domicile, n’est pas toujours adaptée aux personnes avec la maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée. Non faute de bonne volonté, mais par manque de formation. 

Comment réagir ?
« Une grande partie du travail d’Alzheimer Belgique auprès des familles, c’est l’accompagnement à domicile », explique l’ergothérapeute Anabelle Roeland, qui est en charge du projet. « Nous avons donc suffisamment d’expérience dans ce domaine pour nous rendre compte que l’aide et les soins dispensés par les services de coordination de soins gagneraient en efficacité si les intervenants, en général, et les aides familiales, en particulier, comprenaient mieux les personnes avec des troubles cognitifs et savaient comment réagir face à certains comportements ou dans des situations difficiles ».  

Personne de confiance
Pourquoi cette insistance sur les aides familiales ? « Parce que, contrairement aux autres intervenants – les infirmières, par exemple, qui viennent faire une toilette ou administrer des médicaments, mais ne s’attardent pas –  les aides familiales passent plusieurs heures d’affilée au domicile, en contact avec l’aidant proche comme avec la personne désorientée. Ce sont des personnes de confiance, idéalement placées pour remarquer, chez le bénéficiaire, les petits détails qui trahissent une évolution dans la maladie, mais aussi pour constater la souffrance de l’aidant. Et elles peuvent faire remonter ces informations au reste de l’équipe ». 

Interactivité
L’objectif du projet soumis par Alzheimer Belgique au Fonds Dr Daniël De Coninck était de coconstruire, avec la personne désorientée, son aidant proche et l’ensemble des intervenants du domicile, un dispositif interactif propre à chaque famille et visant à favoriser le bien-être de tous et l’autonomie du bénéficiaire. Un partenariat avec un service de coordination de soins – en l’occurrence l’ASD Brabant Wallon, avec lequel Alzheimer Belgique collaborait déjà pour d’autres projets – s’avérait donc indispensable. « L’élément clé de ce dispositif étant la formation des équipes d’aides familiales, nous les avons réunies, avec les assistantes sociales qui les gèrent, pour leur présenter le projet », explique Anabelle Roeland. « Et, sans surprise, les quatre équipes qui se sont portées volontaires les premières étaient celles qui rencontraient le plus de cas de personnes désorientées et se posaient le plus de questions». 

L’objectif du projet soumis était de coconstruire, avec la personne désorientée, son aidant proche et l’ensemble des intervenants du domicile, un dispositif interactif propre à chaque famille et visant à favoriser le bien-être de tous et l’autonomie du bénéficiaire.

— Anabelle Roeland, Alzheimer Belgique

Histoire de vie
La première partie de la formation, assurée par Alzheimer Belgique, portait évidemment sur la maladie, ses différents symptômes, les difficultés qui peuvent surgir au quotidien et les manières les plus adéquates d’y réagir. « Nous avons également abordé l’importance de l’activité. Plus la personne désorientée reste en activité, plus ses capacités se maintiendront sur le long terme. Il est fondamental d’insister là-dessus auprès des aides familiales, qui sont ancrées dans le quotidien du bénéficiaire et peuvent lui proposer des activités qui ont un sens pour lui. Mais, cela suppose évidemment qu’elles s’intéressent à l’histoire de vie de la personne, et qu’elles apprennent à l’aborder au lieu de craindre de se faire rabrouer. Même si nous leur rappelons également qu’elles ont le droit de mettre des limites. Elles se demandent parfois : ‘Jusqu’où puis-je accepter telle situation, tel comportement ’? C’est à elles seules d’en décider. Mais, une bonne connaissance de la maladie et de ses conséquences peut leur être d’une aide précieuse». 

Culpabilité
La formation comportait également une découverte des aidants proches, animée par l’association du même nom. « Qu’est-ce qu’un aidant proche, quelle est sa réalité quotidienne, quels risques court-il, comment puis-je, en tant que professionnelle, détecter son mal-être, et comment l’accompagner au mieux ? Certains aidants proches ont tendance à refuser toute aide, parce qu’un allègement, même momentané, de leur tâche les emplit de culpabilité. Chez l’aide familiale, de telles réactions peuvent susciter malaise et incompréhension. C’est pourquoi, il faut recadrer ces réactions par rapport à la maladie, quitte à intervenir nous-mêmes auprès de l’aidant proche, pour qu’il mesure combien il peut être important de confier certaines tâches à des professionnels, afin de se préserver lui-même et de continuer à profiter des bons moments de la vie ». 

Sur mesure
La collaboration recherchée par Alzheimer Belgique avec l’ASD Brabant Wallon vise à ce que les aides familiales acquièrent le réflexe de recourir à Alzheimer Belgique.  « Qu’elles prennent immédiatement contact avec l’asbl en cas de problème, afin que nous puissions leur proposer des outils sur mesure ». Des outils, l’équipe d’Alzheimer Belgique a profité de la pandémie pour en fabriquer. À commencer par des modules d’e-learning, destinés à compenser le manque de présentiel. « Nous avons également créé un guide destinés aux ‘intervenants nouveaux ou occasionnels auprès des personnes désorientées’  », commente Anabelle Roeland, « car la crise sanitaire a compliqué la situation : dans les ASD comme dans les maisons de repos, il y a eu un turnover important, les nombreux malades dans les équipes étant momentanément remplacés par de nouvelles personnes, encore moins familiarisées avec les maladies de type Alzheimer. Le but de ce guide était de leur donner, en termes simples, les informations nécessaires pour qu’elles se sentent à l’aise avec les personnes désorientées, et que celles-ci se sentent en confiance avec elles ». 

Réunion d’équipe
Enfin, pour aider les aides familiales dans leur réflexion, l’équipe d’Alzheimer Belgique a mis au point avec l’ASD Brabant Wallon un ‘arbre décisionnel’, précisant les situations dans lesquelles le ‘dispositif interactif’ autour duquel est axé son projet peut être ‘utilement activé’. « Une aide familiale est en questionnement par rapport à son travail avec une personne désorientée dont la situation est stable ? Elle peut demander l’intervention d’Alzheimer Belgique au domicile, en sa présence ou dans le cadre d’une supervision, afin d’élaborer ensemble des solutions concrètes pour améliorer la qualité de vie et prévenir une aggravation de la situation. L’aide familiale profite ensuite d’une réunion d’équipe, à laquelle nous participons, pour partager son expérience, qui enrichit du même coup la pratique de ses collègues ». Par ailleurs, si une aide familiale est confrontée à une situation difficile ou complexe avec une personne désorientée, « nous intervenons au domicile, ainsi qu’auprès de la famille, pour évaluer la situation et trouver des solutions aux difficultés de la vie quotidienne – l’aide familiale étant ensuite associée à la mise en oeuvre de ces solutions. Et, là encore, l’expérience est partagée lors d’une réunion d’équipe ». 

Meilleure coordination
Et ça marche ? « Absolument ! Dans tous les cas, nous constatons un gain de temps et une meilleure coordination des intervenants. De plus, comme nous allons sur place, à la demande des aides familiales, nous pouvons proposer des aides directement adaptées à la situation concrète, ce qui en facilite l’acceptation, tant par le bénéficiaire que par l’aidant. Dans le cas d’un couple âgé très isolé, par exemple, avec peu d’aide, des activités réduites au strict minimum et un aidant en souffrance, nous avons pu, grâce à l’appui de l’assistante sociale et de l’aide familiale et au suivi de l’ergothérapeute, sensibiliser la famille. Celle-ci n’était pas du tout consciente ni de la situation, ni de la nécessité de mettre en place des aides et des activités, afin de stimuler autant que possible les capacités de la dame tout en permettant au monsieur de prendre du temps pour lui ». 

Apaisement 

En plus de valoriser les aides familiales, qui connaissent mieux que personne les ressources des bénéficiaires comme des aidants proches – « et, dans ce travail en réseau, il faut partir des ressources de chacun… » – ce projet conduit à « identifier les bonnes pratiques, pour pouvoir accompagner au mieux les équipes, et aussi les bénéficiaires et les aidants proches à domicile, en collaboration avec une coordination de soins. Et surtout, il permet d’apaiser des situations parfois tendues. Peu importe que la personne désorientée ne saisisse pas toujours la balle au bond, et même refuse parfois les activités proposées. Comme nous l’avons souligné dans notre petit ‘Guide des intervenants’, la meilleure activité qui soit est le partage d’un moment serein et agréable ». 

Contact : Annabelle Roeland
© Frank Toussaint

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