Les patients à la barre !

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Quand ce sont les patients eux-mêmes qui forment les futur.e.s infirmier.ère.s, tout le monde y gagne : les patients à qui on rend la parole et le pouvoir sur leur vie, et les étudiant.e.s qui prennent conscience de l’importance d’envisager l’être dans sa globalité, et pas seulement du point de vue strict des soins. La LUSS Ligue des Usagers des Services de Santé l’a bien compris.

« Avec le planning que vous me proposez, je ne serai pas rentrée chez moi avant 18h. Qui va aller chercher mon fils à l’école ? », s’inquiète Véronique. « Ah oui, c’est vrai ça ! », admet Justine, étudiante dans le Bachelier ‘Infirmier responsable de soins généraux’ à Hénallux (Haute École de Namur-Liège-Luxembourg). Il faut que Madame puisse être de retour plus tôt ».

Véronique est atteinte d’une maladie chronique. Une fois toutes les trois semaines, elle doit recevoir des soins et se soumettre à une panoplie d’examens. Ces déplacements la fatiguent et exigent une sacrée organisation : il ne faut pas oublier les médicaments pour la journée, ni la collation de midi pour éviter l’hypoglycémie. Et les rendez-vous médicaux doivent être soigneusement orchestrés pour lui permettre de rentrer chez elle à temps. Majda, atteinte de fibromyalgie, doit, elle aussi, jongler avec les rendez-vous médicaux, les visites régulières à l’hôpital, les traitements lourds. « Lorsque je rentre de mes quatre heures de perfusion de Dépakine, je suis exténuée », témoigne-t-elle. « Je dors pendant quinze heures d’affilée sans pouvoir me soucier de quoi que ce soit ».

Véronique et Majda coaniment les ateliers de rencontres étudiants-patients organisés dans les locaux de Hénallux à Namur, dans le cadre du cours ‘Communication et organisation du travail interprofessionnel’ dispensé aux apprenant.e.s infirmier.ère.s responsables de soins généraux. Elles sont venues expliquer leur quotidien à ces jeunes qui, demain, devront peut-être coordonner la prise en charge de patients à domicile. Pour les malades chroniques, les journées sont rythmées par l’attention et l’organisation imposées par leur traitement. Concilier une vie de mère, de compagne, de femme, avec ces traitements lourds et répétitifs, relève souvent de la gageure. Dans pareil contexte, la qualité de la relation avec les professionnels de la santé dont elles sont entourées est primordiale. Ainsi que la vigilance, l’empathie et la compréhension fine de leurs besoins dont font preuve les infirmier.ère.s lors des soins à domicile. Car c’est là, en effet, à leur domicile, que s’organise la vie des patients.

Une relation de partenariat
« Vous voyez à quel point il y a beaucoup de choses à prendre en compte ? », intervient Florence, maître-assistante du cours de communication. « Et vous réalisez que, pour coordonner les soins, vous avez besoin de l’expertise du patient ? ».

Ces éléments dont il faut se soucier ne se limitent pas aux soins et à la médication. « En matière de santé, et plus encore dans un contexte de maladie chronique, la notion d’empowerment, c’est-à-dire le pouvoir d’agir, est essentielle : c’est le patient qui se prend en charge au quotidien, c’est lui qui sait ce qui est bon pour lui », souligne Cassandre Dermience, chargée de projets à la LUSS. Être un patient debout, face à un soignant qui veille à renforcer le pouvoir d’action de ce patient, pour lui permettre de devenir de plus en plus acteur de sa santé : voilà la philosophie partagée par Véronique et Majda, venues participer bénévolement au cours de communication. Cet atelier s’inscrit dans le projet ‘La formation des professionnels de la santé… par les patients eux-mêmes !’, auquel le Fonds Dr. Daniël De Coninck a apporté son soutien.

« Je ne supporte pas que l’on décide à ma place ce que je suis capable de faire, ou non », commente Majda. « C’est moi qui sens, et cela varie d’un jour à l’autre. Donc, il ne faut pas décider pour moi, mais avec moi ». « Il y a quinze ans, ma vie a basculé lorsque le diagnostic est tombé », témoigne Michel, autre patient-formateur. « Aujourd’hui, grâce à l’association que j’ai intégrée, et grâce à mes interventions dans les écoles supérieures, je me sens à nouveau utile. Utile et vivant ».

Quant à Justine et ses ‘collègues’ étudiant.e.s, ils ne cachent pas leur enthousiasme : « C’est formidable d’avoir l’occasion d’entendre les témoignages de ces patients, de pouvoir sentir à quel point il est important que nous développions nos capacités d’écoute active », s’anime Justine. « On noue avec eux des rapports tout différents de ceux auxquels nous sommes habitués dans le cadre de nos cours ou nos stages à l’hôpital. A l’hôpital, c’est nous – ou du moins nos profs ou maîtres de stage – qui ‘savons’. Ici, ce sont les patients qui nous instruisent, ce sont eux les experts, eux qui nous fournissent les informations utiles : j’adore ce renversement de posture ! ».

Le projet ’La formation des professionnels de la santé… par les patients eux-mêmes !’ bénéficie du soutien du Fonds Dr. Daniël De Coninck dans le cadre de l’appel ‘Renforcer les compétences en matière de santé et de soins’. Au total, 25 projets ont été sélectionnés.

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